Si on nous dit souvent de lâcher prise, y parvenir n’est pas une mince affaire. Pour ça, il faut savoir d’abord passer par plusieurs étapes qui peuvent mettre à mal notre confort. Devant une question si délicate, nous avons voulu connaître le point de vue de l’un des intervenants du rendez-vous Holissence du 2 octobre prochain. Son nom ? Dr. François Bourgognon. Psychiatre, psychothérapeute et auteur du livre “Ne laissez pas votre vie se terminer avant même de l‘avoir commencée” et « La méditation en 10 questions ». Interview.
Bonjour Dr. François Bourgognon et merci de répondre à ces quelques questions pour Holissence. D’après-vous, pourquoi nous accrochons-nous autant à ce qui nous entrave ?
Ce qu’il faut comprendre c’est que quand on doit faire face à une réalité qui s’impose à nous, on est très souvent emporté par des réflexes de lutte et de refus, avant même de savoir si on a une prise ou non dessus. Il s’ensuit la mise en place de stratégies visant à contrôler la réalité, ainsi que les émotions que cette réalité suscite en nous. Or si je cherche à contrôler l’incontrôlable ou à échapper à ce que je vis et à ce que je ressens, je ne peux qu’échouer. Mais quand bien même elles s’avèrent destructrices à long terme, ces stratégies se maintiennent car elles apportent souvent un apaisement à court terme. En effet, lorsque nous sommes pris dans la tourmente, nous n’arrivons bien souvent à voir que ce qui va nous soulager immédiatement, sans réfléchir aux conséquences éloignées. C’est donc très souvent un problème de lecture.
Pensez-vous que ne pas lâcher prise nous empêche de prendre totalement possession de notre vie ?
Bien sûr ! Le confort de la vie moderne nous fait parfois oublier que tout n’est pas maîtrisable. Mais dans notre vie, il y a un certain nombre de choses sur lesquelles nous pouvons agir, et il y a un certain nombre de choses que nous devons accepter. Nous ne pouvons pas tout contrôler, c’est aussi simple que cela. Et si nous cherchons à éviter l’inévitable ou à résoudre l’insoluble, non seulement nous ne pouvons que faillir mais, de plus, nous perdons de l’énergie et bien souvent nous aggravons nos difficultés. Accueillir une réalité qui s’impose à nous, ne pas nous abîmer dans une lutte inutile, nous donne la possibilité de choisir notre réponse au lieu de subir.
Comment se poser les bonnes questions dans ces moments là ? Car c’est peut-être ça le problème principal !
La première chose à faire c’est reconnaître que, pour le moment, les choses sont comme elles sont et non comme on voudrait qu’elles soient. La précision pour le moment est importante car elle répond à la tendance que nous avons à vouloir nous débarrasser immédiatement de tout inconfort, avant même de savoir de quoi il s’agit et quelles sont nos possibilités d’action. L’acceptation consiste à changer de posture face à l’adversité, à sortir du mode réactif – « Non, je ne le veux pas, je le refuse » – pour entrer dans le mode de la réponse : «Oui ce problème existe. Cela me déplaît fortement mais c’est là… Que puis-je faire d’utile ? ». Une telle attitude nous incite à faire ce qu’il y a de mieux à faire sans nous plaindre. Et dans certaines situations, le mieux que nous pourrons faire sera de ne pas aggraver nos difficultés avec nos propres réactions.
Avez-vous des exercices à préconiser pour apprendre à lâcher prise au quotidien ?
Oui ! Le premier pas et probablement le plus important quand on est face à l’adversité, c’est de s’arrêter et d’observer. Regarder la réalité bien en face, sans se faire emporter par des réflexes de lutte ou d’évitement. Les exercices de méditation de pleine présence (mindfulness) nous aident à développer cette capacité à observer avant de répondre. La méditation nous permet de libérer un espace dans lequel nous pouvons choisir notre réponse au lieu de réagir automatiquement, et donc de reprendre la main.
Vous faites partie des intervenants qui vont participer au rendez-vous d’Holissence au Grand Rex. Comment aimeriez-vous que le public ressorte de ce moment ?
J’aimerais qu’il ressorte avec le sentiment que dans la réalité du moment qui est extrêmement difficile et qu’on a l’impression de subir, en travaillant sur notre posture mentale, même si on ne réussit pas à tout régler on va retrouver une possibilité de choix de réponse et d’accomplissement. Pour avancer dans la bonne direction, vers ce qui est important pour nous et retrouver du souffle.
Avez-vous des lectures sur le sujet à recommander à nos lectrices ?
- « Découvrir un sens à sa vie par la logothérapie » de Victor Frankl
- « De la brieveté de la vie » De Sénèque
- « Le guerrier pacifique » de Dan Millman
Et évidemment mon livre : « Ne laissez pas votre vie se terminer avant de l’avoir commencé ».