Rencontre avec Catalina Denis, actrice Franco-Colombienne reconvertie dans le yoga

C’est à travers son livre “Le yoga, mon rituel de vie” que la jeune femme raconte comment cette pratique l’a sauvée et a changé à tout jamais sa vision du monde. 

Racontez-nous votre rencontre avec le yoga. 

Ma rencontre avec le yoga remonte à mon enfance à Bucaramanga, en Colombie. Mon grand-père était ce qu’on appelle un « curandero » ou un « healer ». Il soignait les gens avec sa connaissance profonde des plantes et leurs pouvoirs de guérison. Il pratiquait d’une manière complètement empirique, la méditation, le pranayama et le yoga. Il est parti quand j’avais 10 ans, mais les souvenirs en sa présence pendant qu’il pratiquait sont restés gravés dans ma mémoire. À 16 ans, j’ai eu un grave accident de voiture dans lequel j’ai failli perdre la vie. Je me suis retrouvée à l’hôpital pendant deux mois avec avec des clous qui sortaient de ma cheville droite. Après 3 opérations et une année de physiothérapie,  j’ai pu recommencer à marcher mais non sans douleur. J’ai redécouvert la pratique dans une salle de sport. J’ai commencé à prendre des cours de Hatha yoga et de yoga Iyengar. Avec le temps, ma douleur diminuait et la mobilité de ma cheville s’améliorait. Je suis partie en Inde et j’ai été introduite à l’importance du souffle dans la pratique des postures. Cette découverte, ou redécouverte, du lien entre le mouvement de mon corps et mon souffle a changé à jamais ma pratique. C’est pour ça que j’insiste tellement dans mon enseignement, sur l’importance du souffle. S’il n’y a pas de conscience du souffle pendant la pratique des asanas, pendant les postures, il n’y a pas de yoga.

Comment cette pratique a-t-elle changé votre vie ? 

On peut dire que la pratique du yoga a même sauvé ma vie ! Avant d’adopter le yoga comme outil dans mon quotidien, je vivais dans la frustration, dans l’anticipation et la projection, toujours saisie de doutes et d’interminables questionnements stériles. Arrivée quelque part, je souhaitais déjà repartir ailleurs. Je vivais constamment  dans l’anticipation ou dans le regret, pratiquer le yoga me permet de rester ancrée dans le moment présent et de vivre ma vie pleinement ici et maintenant. Et paradoxalement, c’est en me détachant des attentes que tout a changé. J’ai commencé un cheminement vers la guérison des troubles alimentaires qui m’ont accompagnés pendant presque plus de la moitié de ma  vie, et de mes addictions à la cocaïne ainsi qu’à l’alcool. Grâce au yoga, je garde le cap dans cette vie que j’essaie de vivre de la meilleure manière possible. Nous avons tous le besoin et l’envie de nous sentir bien, à notre place. Et bien, le yoga est un des outils qui peut nous aider à retrouver cette plénitude, cette force, cette présence.

Pourquoi avoir choisi de l’enseigner ? 

Je me demande très souvent si enseigner était vraiment un choix. J’ai le profond sentiment que c’est plus une obligation, mon Dharma. Enseigner ou plutôt partager la pratique de l’art du yoga est ce que je me dois de faire dans cette vie. Pourquoi ? Lorsqu’on découvre un trésor aussi magnifique, on se doit de le partager avec le plus grand nombre.  Aujourd’hui, quand on pense au yoga, on a en tête  quelqu’un de très souple, en train de faire une posture improbable sur instagram. Ce n’est pas le yoga dont je parle. Je parle du yoga au delà de la pratique des asanas, des postures. Je parle du yoga de la connexion, du yoga comme véhicule vers notre intérieur, notre essence, nous-même.  

Comment est né “Kshanti” votre studio de yoga  ? 

Kshanti est né de cette envie de partager la pratique qui a changé et qui a sauvé ma vie.  Un yoga non pas dans la démonstration ou la comparaison avec qui que ce soit mais un yoga qui fait du bien, qui apaise l’esprit et le corps. Je voulais créer un espace où l’on puisse arriver, retirer ses chaussures, comme on retire son masque et se laisser être la personne que l’on est vraiment. J’ai trouvé un espace magique niché dans une cour intérieure au 13 Rue du Vieux Colombier, dans le 6ème arrondissement de Paris. Pas un bruit. Des matériaux naturels et un échantillon des meilleurs profs qui viennent partager avec nous leurs enseignements. Ma plus grande satisfaction est d’entendre les gens dire à quel point ils se sentent accueillis dans la bienveillance, comme à la maison et comment cet espace les aide jour après jour à mieux vivre leur vie.

Pouvez-vous partager une des expérience de vie dont vous parlez dans le livre ? 

Comme je l’ai dit, je vivais ma vie dans une forme d’excès permanent car j’étais dans la frustration constante entre ce que je pensais devoir faire et ce que je voulais vraiment faire. Pour contrer cela je me mettais, sans en avoir conscience dans des situations dangereuses. Un jour, je me suis retrouvée dans une soirée à Los Angeles avec des gens connus du cinéma. Plus la soirée avançait, plus il y avait des drogues, de l’alcool et du gambling… Je me suis réveillée à l’aube seule au milieu d’hommes complètement drogués, je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Grâce à la femme de ménage qui est arrivée, j’a pu sortir de la maison et elle m’a appelé un taxi pour pouvoir partir. J’ai laissé mon sac, ma veste et aussi mon envie inconsciente de me faire du mal. Tout s’est effondré à ce moment là, je me suis sentie détruite à l’intérieur. J’ai pris le yoga comme une bouée de sauvetage et j’ai commencé à me reconstruire, cette fois-ci, sur mes propres bases, sur MA vérité.  Cette vérité, personne ne pouvait me la donner, c’était à moi de la retrouver. 

On dit que l’écriture est thérapeutique, quels bienfaits ce livre vous a-t-il apporté ? 

Écrire toutes ces expériences, raconter mon passage par tous ces obstacles m’a permis de me libérer entièrement de tout ce que je gardais comme une honte au plus profond de moi-même. Aujourd’hui, je reçois les messages des gens qui me disent à quel point mon récit les a aidé à se sentir moins seuls avec leurs problèmes et à comprendre que nous avons tous l’opportunité et les outils pour changer notre vie, en faisant le choix de nous aimer. “Le yoga mon rituel de vie”, Catalina Denis, 1990 aux éditions Marabout.